On la croise au Crazy ainsi qu’aux Folies Bergère. Elle est aussi Louise de Rênal dans la comédie musicale le Rouge et le Noir. Haylen chante depuis toujours et réenchante son temps.
La Bastille s’était coiffée d’un gris sombre couleur orage, les pavés de la rue de Lappe chantaient sous la pluie, un soleil nous attendait au Balajo. On est entrés dans le bal légendaire, foulé le parquet où Gabin venait gambiller et on l’a vue. Un diamant dans son écrin.
Elle nous a souri et le temps a infléchi sa course. On s’est sentis transportés dans les années 30 finissantes ou les fifties éclatantes. Quand les femmes étaient fatales. Haylen, c’est l’effet qu’elle fait. Et c’est fou. Un univers, à elle toute seule. Un grand film comme on ne sait plus en faire, dont elle serait l’héroïne principale.
« C’est recherché, travaillé et en même temps, c’est inné. J’ai l’impression de ne pas être née à la bonne époque (sourire). Tout ce qui me touche, c’est tout ce qui s’est passé avant. Et le Balajo, cette ambiance, c’est ma maison. Je me sens chez moi ici.
Les films de Rita Hayworth, d’Ava Gardner ou de Sophia Loren m’inspirent. C’est une image de la femme que j’aime… mais, en même temps, je suis ancrée en 2019. Je suis une femme moderne, une femme libre, et qui se bat au quotidien pour le rester. Liberté que ces femmes n’avaient sans doute pas forcément. C’est un mélange et ça fait de moi quelqu’un de décalé.
D’ailleurs, ces femmes que j’évoque, qui aspiraient à leur liberté, l’ont souvent payé au prix cher. Elles incarnaient le glamour mais à une époque où il était plus difficile pour elles d’être aussi libres qu’elles le désiraient… elle n’étaient peut-être pas de leur époque non plus (sourire). »
Haylen, c’est la liberté qui depuis longtemps fait son cap. Liberté d’être qui elle veut et d’aller là où elle désire. Cette même liberté d’écrire et de penser dont les ayatollahs qui venaient de renverser le Shah d’Iran voulurent priver son père, le philosophe et dramaturge Manuchehr Namvarazad. En 1981, celui-ci n’eut d’autre choix que de prendre la route de l’exil. La jeune république islamique voulait la tête du libre poète, la France sut l’accueillir et l’amour frapper à sa porte. Haylen allait voir le jour quelques années plus tard. Elle porte aujourd’hui encore, plus fort que la colère, ce même irrédentisme qui sans doute lui interdira toujours de baisser les yeux et de renoncer.
La voie qu’elle a choisie n’a rien de l’autoroute sécure, monotone et balisée. Son chemin est au contraire sinueux, aventureux, pavé de doutes et d’incertitudes. Avant les soirs de douce euphorie, comme lorsqu’au Palace, il y a un peu plus de deux ans, le public de l’opéra rock le Rouge et le Noir lui faisait un triomphe, il y a eu les jours âpres et ardus où elle chantait dans le métro pour des passants pressés. Son art devenu son métier prête à toutes les rencontres. Les plus belles comme celles qui déçoivent. Mais rien ne semble pouvoir infléchir sa course.
Sans être un mordu du télé-crochet, comment ne pas se souvenir de son audition à l’aveugle devant le jury de The Voice saison 5 ? Une reprise de Something’ Got a Hold on Me d’Etta James à vous coller le coeur dans les cintres et des jurés sidérés. Haylen ne s’en doutait pas mais ce moment a décidé de son bonheur suivant. Elle a fait le premier pas, Zazie le second, qui lui a proposé de se joindre ensuite à l’aventure du Rouge et le Noir.
Ce qui étonne à peine trois ans plus tard, c’est l’aplomb avec lequel elle envoie le bois. La pin-up n’était pas venue pour faire la jolie dans le décor. Ce soir-là, elle a envoyé un boulet de soul. Un souffle d’âme à faire aimer le prime-time. Rien à perdre, raison de plus pour tout donner. Et puis Haylen, son rêve ne la perd pas, il fait sa force.
« Je pense qu’il y a des choses innées mais j’ai tendance à ne pas croire au talent, je crois au travail surtout. Mon père est un grand artiste, ça m’a poussée évidemment sur ce chemin. Mes parents m’ont accompagnée mais ils m’ont toujours laissée libre de faire mes choix…
J’ai eu ma première guitare, je crois que j’avais deux ans… bon, je ne savais pas en jouer (sourire). J’avais mon petit magnéto-radio-cassette, je m’enregistrais. J’ai toujours enregistré des petites choses. J’ai toujours chanté dans ma chambre devant ma glace, enfin comme font toutes les petites filles aussi, je pense (sourire), mais c’était et ça a toujours été mon rêve. Et je vis aujourd’hui la vie que j’ai toujours voulue et rêvée…
Et puis, toujours cette histoire de liberté, je n’ai jamais accepté d’être signée même par une major. Pour justement garder cette authenticité et avoir le droit de rêver sans qu’on me dicte mes idées. Quand j’ai sorti mon album, j’ai voulu casser l’image rock’n’roll. J’ai fait un album Trip Hop avec des musiques plus électroniques… parce que j’ai eu envie d’être là où on ne pouvait pas m’attendre, de surprendre… et de me surprendre aussi.
Je commence tout juste, en fait (sourire). Ça fait longtemps que je fais ce métier, j’ai commencé par le métro pendant de nombreuses années, ensuite The Voice, le Rouge et le Noir qui d’ailleurs repart en tournée… on part en Chine pour cinquante dates, fin septembre jusqu’à fin novembre, on est attendus, je reçois déjà des messages de Chinois, c’est assez fou…
Je chante aujourd’hui au Crazy, je précise que je suis la seule femme habillée (rires), je remplace ma chère Brigitte Demi-Mondaine dans le Fashion Freak Show de Jean-Paul Gaultier mais c’est la continuité des choses. C’est un travail d’arrache-pied de tous les jours et voilà… je lâcherai rien ! Jamais ! »
Ne jamais abandonner, surtout pas ses rêves, en dépit des ironies et des morsures dont la vie a parfois le foutu secret, c’est aussi le message qu’Haylen fait passer avec Don’t Give it Up, l’une des chansons de son album. Elle y chante sa conviction que tout est possible, que la détermination permet de décrocher les étoiles… elle sait de quoi elle parle.
Et quand elle explique que « Namvarazad » , le nom que lui a transmis son père signifie en perse « Célèbre et Libre » , on se dit que les deux lui vont bien. On se dit aussi qu’elle a commencé par l’essentiel et le plus beau.
O.D
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