Avec Let The Bad Times Roll, The Offspring partagent un autre regard sur l’Amérique et c’est pas du Mickey. Autre bonne nouvelle, à 60 ans aujourd’hui, les punks californiens mordent encore.
En prévision du retour des beaux jours, des terrasses, des cinémas, des concerts, des soirées à n’en plus finir avec des comptoirs collants pour cause de mains tremblantes après la cinquième pinte, il faut réviser ses classiques. Pourquoi ne pas le faire en écoutant du punk ?
Évidemment, on pense immédiatement au Royaume-Uni, à GBH, à Clash, aux Pistols, aux Damned, ou encore à Exploited. Chez nous, il y a évidemment Bérurier Noir, les Porte-Mentaux, Metal Urbain, Gogol Premier et la Horde, et plus récemment Guerilla Poubelle. Les Américains ne sont pas en reste non plus avec NOFX, Bad Religion, les Ramones, ou les Bad Brains. Il y a aussi Green Day, avec ses morceaux très controversés, et le faux accent cockney du chanteur Billie Joe Armstrong. Et puis il y a The Offspring.
Avec trente-sept piges de carrière au compteur, les Californiens de Garden Grove n’ont plus rien à prouver. Ils sont connus mondialement, ont vendu plus de 40 millions de disques sur la planète, et continuent de tourner (quand cela est possible et permis…). Il n’y a qu’à les voir sur scène pour s’apercevoir que ces mecs ont gardé la rage, même s’ils se rapprochent des soixante balais et sont passés de punk rockers à rockers, ce qui est déjà fort bien.
Sur Let The Bad Times Roll, leur nouvel album, ils prouvent qu’ils ont encore la hargne avec des morceaux comme Behind Your Walls, qui sonne comme du Foo Fighters, l’énergique Army Of One, ou les très punk This Is Not Utopia qui ouvre le bal, Hassan Chop, et The Opioid Diaries.
Et puis il y a aussi des ovnis. We Never Have Sex Anymore, dont une partie de la ligne de basse semble avoir été directement pompée sur The Lovecats, de Cure, Gone Away (reprise quasi-acoustique d’un morceau très électrique sorti sur un précédent album du groupe en 1997) qui ressemble désormais comme deux gouttes d’eau à Mad World de Tears For Fears, sans oublier In The Hall Of The Mountain King, reprise version punk de la musique d’une partie de l’acte 2 de la pièce de théâtre Peer Gynt, composée par le compositeur Norvégien Edvard Grieg en 1874.
Le titre de l’album est un jeu de mots avec Let The Good Times Roll, morceau du bluesman Louis Jordan enregistré en 1946. Les douze morceaux de l’album d’Offspring sont une sorte de condensé des travers de l’Amérique, que ce soient le manque de courage des politiques, les problèmes de violence ou raciaux, qui se sont aggravés sous l’ère Trump.
Tout cela est renforcé par un gros son mis en boîte par Bob Rock, connu notamment en tant que producteur de Metallica pendant une quinzaine d’années (du fameux Black Album à St. Anger), et pour son travail avec des groupes aussi divers que Mötley Crüe, Skid Row, The Cult, mais aussi avec la poupée de cire Cher et le crooner des halls de gares Michael Bublé. Il avait aussi déjà travaillé sur les deux précédents albums d’Offspring.
Ceux qui n’aiment pas Offspring à la base n’iront même pas écouter ce disque et ils ont raison. Ça ne changera en rien leur avis, même si Dexter Holland chante de plus en plus juste et reste reconnaissable entre mille dès qu’il attaque la moindre note, et même si Noodles, guitariste charismatique, sorte de croisement entre Keith Richards et Cruella, peut se montrer d’une agressivité redoutable comme sur Coming For You.
Une chose est certaine, Let The Bad Times Roll n’est pas le meilleur album de l’année. Il n’est pas non plus le meilleur album punk de tous les temps. Il est simplement un bon album de rock qui, on l’espère, pourra être défendu sur scène prochainement par Offspring. Espérons…
Au même moment, chez nous, on se souvient. Le 16 avril 2020, Christophe rejoignait la Petite Fille Du Soleil dans Les Paradis Perdus. Surdoué, il composait brillamment et savait écrire poétiquement même si Les Mots Bleus, un de ses plus grands succès, est signé Jean-Michel Jarre et que le sublime J’L’Ai Pas Touchée est signé Boris Bergman.
Admiré par de nombreux autres artistes, ses chansons avaient été reprises à maintes reprises par Alain Bashung, Sébastien Tellier, ou, beaucoup plus surprenant, par Michel Delpech et même André Verchuren. L’accordéoniste avec moumoute intégrée et sourire figé s’était attaqué à Aline à la fin des années 60. Comme quoi tout est possible…
Christophe était un immense Artiste. Dire qu’il manque dans ce monde « Auto-Tuné » où la musique devient de plus en plus un produit comme un autre est un doux euphémisme.
Daniel Bevilacqua est mort. Vive Christophe !
Laurent Borde
The Offspring : Let The Bad Times Roll / Concord Records